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L’année vient de se terminer et je me sens désolée de t’avoir si peu écris. Pourtant que j’aime t’écrire, te raconter les histoires qui font mon quotidien de voyageuse. Et comme chaque nouvelle année, je fais le vœu de t’envoyer plus de lettres. Qui sait ? Peut-être m’y tiendrais-je enfin cette année. En attendant, voici quelques bribes de mon année 2022, l’année où j’ai bouleversé tous mes plans.

***

2022 a débuté sur une plage sauvage en Nouvelle-Zélande. Il faisait beau, il faisait chaud. Je ne le savais pas encore, mais c’était mon dernier été en un an et demi. J’ai passé deux jours et deux nuits ici, simplement occupée à aimer celui que j’apprenais tout juste à connaître. Le cœur au cœur de la lutte entre deux instincts : profiter de cette histoire entre voyageurs dont la route nous faisait déjà connaître la date de fin, ou retenir autant que ce peut ces élans d’amour, me protéger.

Toujours proie au doute, je suis partie marcher avec mes amies Amelia et Kate. J’ai traversé l’île du Sud de la Nouvelle-Zélande à pied sur le Te Araroa sans trop croire que j’en étais capable, jusqu’à que j’arrive, dix semaines plus tard. Je t’ai raconté cette marche dans une lettre. Je te parle de comment, au rythme lent de mes pas, au milieu de paysages grandioses, j’ai décidé de faire de l’amour et de la simplicité les priorités dans ma vie.

Qu’en est-il aujourd’hui, alors que j’ai arrêté de marcher il y a plusieurs mois déjà ?

J’ai encore du travail pour arriver à vraiment simplifier mon quotidien. Non, je ne retrouverai pas cette nudité de la vie dans les montagnes. Marcher, manger, dormir. Et avoir tout mon temps pour écouter mes pensées. Mais je suis en chemin, toujours. Ne garder que l’essentiel. Et sur cette route, j’ai déjà perdu le stress.

Et puis l’amour ! Au rythme lent de mes pas, j’ai doucement défait ce projet de voyage par lequel je me définissais pourtant : rentrer en France depuis la Nouvelle-Zélande sans avion. Mais cela avait-il seulement un sens sans lui ? Durant les premières semaines de marche, la décision se dessinait. Elle me paraissait folle, je ne le connaissais que depuis si peu de temps. La folie d’une évidence. Il a joint notre marche au milieu des montagnes pour une semaine. Il avait fait le même chemin de son côté. Et la question d’une route à deux est sortie de sa bouche à lui.

Après ces soixante-neuf jours à marcher, je suis rentrée à Nelson, ce chez moi du bout du monde. J’y suis restée quatre mois de plus. Un an et demi au lieu des trois jours de passage. Les nuits isolées en refuge ont laissé la place à la vie en communauté. Mon corps n’a pas tout de suite compris l’immobilité. Mais la vie a repris. La seule différence étant que cette fois-ci, j’avais une date de départ.

Et il a fallu commencer à dire au revoir. La route, intransigeante, rappelait à elle certains de ces voyageurs qui avait trouvé ici un peu de repos. Jamais on ne s’habitue. On se donne des rendez-vous, quelque part dans le monde, un jour. On veut y croire. Les adieux n’ont pas de sens quand on s’aime tant.

Et puis je suis partie à mon tour. J’ai quitté Nelson. Pour la deuxième fois, je suis partie de chez moi. Mais contrairement à la France, je ne suis pas certaine de pouvoir revenir un jour. C’est le bout du monde.

Je suis arrivée en Australie pour trois mois. J’ai retrouvé ici celui qui m’avait fait bouleverser mes plans après qu’il ait passé quelques semaines chez lui. J’ai retrouvé mon petit frère qui, lui aussi, a trouvé un chez lui au bout du monde. Et mon père et ma belle-mère sont arrivés depuis la France pour faire un bout de route avec nous. Tous les cinq, nous avons parcouru l’immense et sauvage côte Ouest de l’Australie. Quelques milliers de kilomètres pour apprendre à nous reconnaître après ces années séparés, pour partager avec eux un bout de cette vie en mouvement.

Après avoir quitté ma famille, je suis repartie sur la route seule avec mon amoureux. Ensemble, nous avons parcouru la côte Sud du pays, entre Perth et Melbourne, en prenant tout notre temps. Il va falloir que je te raconte un peu de l’Australie dans une prochaine lettre.

Nous sommes arrivés à Melbourne. La ville a remplacé le bush. La foule a remplacé les étoiles. Et moi au milieu, je me suis sentie un peu perdue. Mais j’ai retrouvé ici plusieurs de mes amis de Nelson. Magali, Charlotte, Davide, Mel, Léo, Aurélien, Perrine. Nous nous étions donné rendez-vous, incapables de nous dire adieu. C’est ainsi que j’ai célébré mes trente ans entourée d’amour, forte et prête à vivre cette nouvelle décennie dont je ne devine rien.

Et je suis partie au Canada en début novembre, pour suivre sa route à lui. Nous avons choisi sur une carte un nouveau chez nous. Un peu au hasard. Une vallée au milieu des montagnes. Une petite ville au bord d’un lac. Nous vivons désormais à Kelowna. Les premières semaines ont été difficiles. Je me suis sentie seule. À quoi bon reconstruire encore et encore ce qui a existé ailleurs ? Mais l’histoire continue à s’écrire et je sais que certains de ces inconnus deviendront des amis. L’hiver bat son plein. Et l’hiver au Canada, c’est quelque chose. Alors, en attendant de pouvoir explorer ce pays que nous appelons désormais chez nous, nous travaillons et nous faisons des plans. Il y a des plans de voyage à pied, à moto ou en van. On verra bien ce que le printemps nous réserve.

***

Et pendant ces semaines d’immobilité, j’écris.

En marchant à travers les montagnes de Nouvelle-Zélande, j’ai eu l’idée de créer un magazine. C’est apparu comme une évidence. À mi-chemin, j’ai croisé mon ami Clotaire qui marchait dans l’autre direction. C’est lors d’un bivouac que je l’ai embarqué dans l’aventure. Et depuis, ensemble, nous travaillons à donner naissance à Tribus dont le premier numéro devrait sortir cette année.

En parcourant les routes australiennes, une histoire est également née en moi. J’ai appris à connaître les personnages et leurs histoires respectives, puis j’ai commencé à les écrire. C’est ainsi que, depuis peu, je noircis des pages et des pages de ce qui deviendra peut-être un roman. Je ne pense pas qu’il sera terminé cette année cependant. Mais je prends énormément de plaisir à faire exister cette histoire.

Voilà donc un bout de ce qu’est ma vie aujourd’hui.

Je te souhaite une belle année, faite de choses simples et d’amour.

Je t’embrasse.

Léa

2022: changing all my plans

 

The year is coming to an end and I feel bad for writing to you so little. Even though I love writing to you, telling you, the stories that happen every day in my life as a traveler. I promise to send you more this year! I promise that every year, though… You know what? Maybe I’ll actually stick to it this year. Anyway, here is the gist of my year in 2022, the year in which I changed all my plans.

2022 started on a remote beach in New Zealand. It was a warm, beautiful day. I didn’t know it yet, but it was going to be my last summer for a year and a half. I was there, for two days and two nights, simply spending time loving the one I was just getting to know. My heart was torn between two instincts: to protect myself and hold back as much as I could on these feelings, or to just enjoy this fling between travelers, who already know that their roads are going in different ways at a certain point.

Still filled with doubts, I left with my friends Amelia and Kate. I hiked across the South Island of New Zealand on the Te Araroa without believing that I could, until I did, ten weeks later. I told you all of this in another letter. There I tell you how, in the middle of magnificent landscapes, at the slow rhythm of my own pace, I decided to prioritize love and simplicity in my life.

But what’s going on today, several months after I stopped walking?

There is still work to be done towards the simplicity in my life. No, I did not find the nakedness that I found in those mountains. Walking, eating, sleeping. And having all the time in the world to listen to my thoughts. But I’m going in the right direction, just as always. To keep only the essentials. And going in that direction, I’ve already threw away my stress.

And then, love! With the slow rhythm of my steps, I gently unraveled this travel project by which I still defined myself: going back to France from New Zealand, without a plane. But does it even make sense without him? In the first weeks of hiking, the decision was taking shape. I must have been crazy; I knew him for such a short time. The insanity of the obvious. He joined our journey in the middle of the mountains for a week. He had walked the same steps in his mind. And the question to continue together in the same direction came out of his mouth.

After those sixty-nine days of hiking, I came back in Nelson, my home at the end of the world. I stayed another four months. One and a half year, instead of three days just passing through. The open, isolated nights, made way for communal life. My body didn’t understand the inactivity right away. The only difference was that this time, I had a departure date.

So, I had to start saying goodbye. The road, uncompromising, called to some of these travelers that found a little rest here. You never get used to it. We make plans to meet, somewhere in the world, one day. We all want to believe it. Goodbyes don’t make any sense when we love each other so much.

And then I went. I moved out of Nelson. For the second time, I left behind my home. But unlike in France, I am not so sure I will come back one day. It is the end of the world.

I arrived in Australia for three months. Here, I found the guy again who made me threw away all my plans, after he spent a few weeks at his home. I met my little brother here too, who also found a home at the end of the world. As well as my father and mother-in-law have arrived from France, to spend a bit of time with us. All five of us, we drove around the immense and savage West Coast of Australia. A few thousand kilometers to recognize each other again after all those years apart, to share with them a piece of this moving life.

After I said goodbye to my family, I was on the road again with just my partner. Together, we traveled the south coast of the country, between Perth and Melbourne, and we took our time. I’m going to tell you about Australia in the next letter.

We arrived in Melbourne. The city has replaced the bush. The crowd has replaced the stars. And in the middle of that, I feel a little bit lost. But I found some of my friends from Nelson here, though. Magali, Charlotte, Davide, Mel, Léo, Aurélien, Perrine. We had agreed to meet each other, unable to say goodbye. That’s how I celebrated my thirtieth birthday surrounded by love, strong and ready to live this new decade, of which I expect nothing.

And then I went to Canada in the beginning of November, to follow his route with him. We choose on the map a new home for us. A bit random. A valley in the middle of the mountains. A little city besides a lake. From now on, we live in Kelowna. The first weeks were hard. I felt lonely. What’s the point of building something over and over again, what already existed somewhere else? But the story continues to write itself and I know that these strangers now will become friends later. Winter is at its peak. And winter in Canada, that’s something else. So, waiting to be able to explore this country we now call home, we work and we make plans. There are plans to travel on foot, by motorbike or by van. We shall see what spring holds for us.

In these weeks of being stationary, I write.

While walking through the mountains of New Zealand, I had the idea to create a magazine. It seemed like such an obvious choice. Halfway, I came across my friend Clotaire, who was walking in the other direction. It was while we sat up camp, that I teamed up with him for this adventure. Since then, we’ve been working together to give birth to Tribus. The first issue should come out this year.

As I travelled the Australian roads, a story was born in my head. I got to know the characters and their corresponding backgrounds and then I started to write them down. And that’s why, lately, I’ve been writing pages and pages of what just might become a novel. I don’t think it will be finished this year though. But I have so much fun in bringing this story into existence.

There you go, this was a part of my life.

I wish you a happy year, to making choices for more simplicity and love.

With love.

Léa

 

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Cet article a 20 commentaires

  1. Mouton

    Ah trop génial ! De belles choses à attendre ! Un roman !!!! La lectrice assidue que je suis en trépigne déjà d’impatience ! C’est une si jolie idée pour partager un peu de cette extraordinaire expérience humaine qui t’enrichit un peu plus chaque jour !

    1. Léa

      Oui, mais c’est vraiment un gros boulot. Ça va me prendre un bon moment mais c’est vraiment magique de donner vie comme ça à toute une histoire ! 😀

  2. Itineramagica

    Heureuse de te lire à nouveau, j’ai été ravie de trouver ta lettre dans ma boîte mail. Belle année et hâte de découvrir Tribus !

    1. Léa

      Merci infiniment. Belle année à toi aussi !

  3. Lucie

    C’est dans ce même pays que l’idée de mon roman est né ♡ Belle aventure 2023 à toi et au plaisir de rêver sur les routes canadiennes à travers tes photos et ta plume.

    1. Léa

      Oh génial ! Tu l’as écrit depuis ?
      Et merci ! ♡ Une belle année à toi Lucie !

  4. Cécile

    J’espère que tous ces écrits et cette nouvelle vie vont fleurir et t’apporter beaucoup de bonheur. En lectrice fidèle, l’idée d’un roman me titille ! Je VEUX le lire ! À une nouvelle année pleine de bonnes choses.

    1. Léa

      Merci Cécile ! J’ai hâte que tu puisses le lire ! Très belle année à toi !

  5. Béatrice

    Coucou quel magnifique récit comme toujours. Je pensais à toi il y a quelques jours et me disais qu’il y avait bien longtemps que tu n’avais pas donné de nouvelles.☺️
    Je te souhaite une merveilleuse année remplie d’aventures d’amour et de bonheur.
    Je t’envoie des bisous de l’autre bout du monde.
    Bea

    1. Léa

      Oui, ça commençait à faire longtemps. Je vais essayer de ne pas laisser pas six mois la prochaine fois !
      Merci pour tes vœux et une très belle année à toi aussi !

  6. maelleblm_

    Trop chouette de pouvoir te relire !
    Pleins de belles choses et de bonnes nouvelles c’est super ! Hâte de voir la suite de tes aventures et les sorties de tes projets !
    Bonne soirée

    1. Léa

      Merci beaucoup et merci de continuer à me lire malgré l’irrégularité. Très belle année !

  7. Rossanna

    Olala tellement fan de ton parcours! Quand on suit son cœur, même dans les moments un peu down il n’y a pas d’erreurs. Tout est apprentissage 🙂 j’ai adoré t’avoir lu

    1. Léa

      Merci infiniment Rossana ! Oui, je crois que c’est là la plus belle chose des vies que l’on mène : pouvoir tout chambouler pour suivre notre cœur !

  8. Quelles superbes et douces nouvelles !
    Ravie de te lire par ici pour cette nouvelle année qui débute. Prends soin de toi et de tes rêves, bons chemins canadiens !

    1. Léa

      Merci beaucoup Juls ! Très belle année à toi aussi. Bons chemins !

  9. Man's

    Toujours autant de plaisir de retrouver tes lettres !
    Bordel, qu’est ce qu’elles font du bien… 🙂
    De très beaux projets en perspective, hâte de les découvrir !
    Prends soin de toi, prenez soin de vous !
    Je te souhaite une très belle année…

    1. Léa

      Merci infiniment ! Très belle année à toi aussi !

  10. Capucine

    Salut Léa, et merci pour cette belle lettre !!
    C’est vraiment marrant, j’ai commencé à te suivre en Nouvelle Zélande, et aujourd’hui je lis ces nouvelles aventures au Canada, qui seront les nôtres tout bientôt.
    Entre temps nous passons un peu de temps sur un petit bout de terre Française : St Pierre et Miquelon!
    Je suis curieuse, comment et pourquoi avoir choisi Kelowna comme point de chute ?
    Belle année à toi!

    1. Léa

      Hello Capucine !
      Oh chouette, on se suit ! Et Saint Pierre et Miquelon a l’air bien chouette !
      Pour répondre à ta question, on a choisi Kelowna suite aux conseils d’un ami. Et après quelques recherches, on a pu voir que la taille nous convenait (pas trop grande), que la ville était connue pour des températures relativement douces (mais c’est relatif hein !) et qu’elle était assez touristique/dynamique, ce qui était plutôt un bon signe pour trouver du boulot. Avec en bonus toutes les montagnes autour. 😀

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