Christiania, Je fais ta connaissance accompagnée de Léo, avec qui je voyage, et de Ian, qui vit à Copenhague. Alors que nous posons nos vélos à l’entrée, tu t’introduis en nous présentant quelques interdits. Nous n’avons pas le droit de consommer de drogues dures, nous n’avons pas le droit de courir et nous n’avons pas le droit de te photographier. Ces interdits visent à préserver ta liberté. Tu t’es auto-proclamée « Ville libre de Christiania ». Crois-moi, je n’ai aucune envie de prendre la liberté de transgresser tes interdits. Je cache donc mon appareil photo et range ma cocaïne (c’est une blague, Maman), avant d’aller me promener dans tes rues, délicatement parfumées par la marijuana. La silhouette en spirale de l’église Notre Sauveur est là pour nous rappeler que nous sommes toujours dans l’hyper-centre de Copenhague – à deux pas du Parlement danois. Les anciens bâtiments militaires côtoient les cabanes et autres squats, au milieu desquels on trouve de nombreux cafés, restaurants et salles de concert. Visiblement, tu bénéficies d’une vie sociale et culturelle riche. Le street art est partout, rendant, ça et là, quelques hommages à la consommation de cannabis. Nous allons un peu plus loin. Nous nous promenons désormais sur les rives de ton lac. La végétation, les chemins, les petites cabanes, les chevaux, le calme… Sommes-nous toujours au centre d’une capitale d’Europe du Nord ? Grâce à Ian qui connaît bien la ville et nombre de ceux qui y travaillent, nous te découvrons un peu. J’essaie d’imaginer ta naissance à l’aube des années 1970, lorsqu’un groupe de hippies, en regardant une base militaire, s’est dit « Tiens, et si nous créions une ville alternative où vivrait une communauté libre et indépendante ? ». Quarante-cinq ans plus tard, ce sont près de mille personnes qui vivent et travaillent au quotidien dans ces quelques hectares, si loin de tout ce que l’on connaît et dont on a l’habitude. À quoi ressemble une enfance passée avec toi ? Quel adulte devient-on ? Nous voici donc, trois visiteurs, plus ou moins extérieurs, curieux de voir et d’expérimenter un infime bout de cette vie singulière. Évidemment, nous ne sommes pas les seuls à être intrigués. Les touristes affluent. L’office de tourisme de Copenhague même conseille de te rendre visite. La ville ne peut pourtant pas ignorer le trafic de drogues douces, interdites au Danemark, qui fait ta réputation au-delà des frontières. J’apprendrai plus tard que tu es le troisième site le plus visité de Copenhague, après le parc Tivoli et la petite sirène. Ça m’amène à me questionner. Est-ce une bonne chose que mes confrères les touristes et moi-même te visitions ? Comment conserver un certain équilibre lorsque les touristes sont plus nombreux que les habitants ? Comment préserver l’alternatif devant la mondialisation qu’engendre forcément cette affluence ? Quelle influence peut avoir une telle foule de visiteurs sur ton communautarisme et ton indépendance ? Mais d’un autre côté, ne sont-ce pas nous, les touristes, qui sommes en mesure de te pérenniser ? Est-ce que, quelque part, cette popularité ne te donnerait-elle pas une forme de légitimité auprès de ton voisin le gouvernement ? Est-ce que celui-ci aurait laissé, pendant tout ce temps, une communauté recluse de plusieurs centaines de hippies vivre en plein centre de sa capitale ? Toutes ces questions, je me les suis posée après t’avoir rencontrée, Christiania. Alors, que ce soit bien ou mal, c’est fait. Et finalement, je recommanderais volontiers à ceux qui passent par Copenhague de passer te faire un petit coucou. Tu es mille fois plus intéressante que ta collègue la petite sirène. Longue vie à toi, Christiania.
Léa
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Bonjour Lea,
Encore une super experience:-) Christiana est si particuliere mais qu est ce que l on s y sent libre 🙂
je suis d accord avec toute les questions que tu te poses je me suis pose a peu pres les memes lol et je pense que beaucoup d autres aussi!il y aurait de quoi faire un long debat encore un super recit tres bien ecrit:-) merci Au plaisir Aurelien
Un lieu unique en son genre. En s’éloignant de la rue principale, notamment vers le lac, on découvre des habitations et des lieux « moins touristiques ».
En effet. La maison avec toute une façade faite de fenêtres, seule au bord du lac, me laisse par exemple un superbe souvenir. (: