Islande en auto-stop

Mon cher ami,

Après avoir pressé le pas sur la route des fjords, je t’embarque dans le récit d’une longue et belle journée. La dernière de notre voyage. La dernière avant de regagner notre point de départ. La dernière avant de clôturer notre tour de l’Islande en stop.

Et alors que je me lance dans la rédaction de cette lettre, je prends conscience de la difficulté que je vais avoir à retranscrire tout ce que représente cette journée pour moi ; avec pour seul appui mes mots. Elle réunit a elle seule tout ce que j’aime dans le voyage. Tout ce qui me fera parcourir les routes du monde pendant longtemps encore. C’est pour cette journée et ses semblables que je me lève à l’aube de toutes les autres.

Et cette journée, elle a commencé comme toutes les autres en Islande : un réveil frais et une vue magnifique. Nous sommes arrivés la veille par bateau, depuis les fjords de l’Ouest jusqu’à la péninsule de Snæfellsnes. Après avoir longuement cherché, nous avons monté le campement sur un petit coin d’herbes hautes, en amont d’une plage au sable sombre. Devant nous, la silhouette mythique de Kirkjufell qui a longtemps été mon fond d’écran. Nous l’avons laissé dans l’or du soleil couchant et nous retrouvons la montagne toute emmitouflée dans une brume épaisse.

Routine merveilleuse, nous regagnons le bord de la route et levons le pouce. Nous avons repéré deux lieux où nous voulions nous arrêter avant notre retour à Reykjavik. Un couple de touristes nous conduit jusqu’en dehors de la brume et nous laisse là où nos chemins se séparent. Et à vrai dire, le nôtre est vraiment un chemin. Mais après plusieurs semaines à faire du stop sur les routes d’Islande, ce n’est pas un chemin désert qui va entamer notre patience. Nous nous asseyons sur le bord. Le thé est encore chaud. Une voiture finira bien par passer par là. Et la première voiture à passer est en fait un camping-car.

Nous nous laissons embarquer par le joyeux groupe sans même demander où ils vont, bien trop heureux d’être pris. À son bord, trois couples d’amis et un enfant. Ils sont colombiens, équatoriens, argentins ou canadiens, et vivent entre New York et Toronto. Manu Chao à fond, un maté brûlant que nous partageons dans de grands éclats de rire… nous sommes fichtrement bien dans ce camping-car ! Nous décidons de passer la journée ensemble : ils nous emmènent découvrir le village qu’ils souhaitent visiter et nous les guidons jusqu’aux deux points que nous avons repérés.

Islande péninsule de Snaefellsness
Photo : Giuseppe Milo
C’est comme ça que nous nous retrouvons à Hellnar, dont nous ne connaissions pas l’existence.

Hellnar est un ancien petit village de pêcheurs, tout au bout de la péninsule de Snæfellsnes. Les humeurs de la mer y ont patiemment sculpté le paysage. Formations calcaires, arches naturelles et orgues basaltiques, le minutieux travail de la nature est impressionnant. Mais elle n’est pas tendre par ici. Des dizaines et dizaines de mouettes mortes ou agonisantes, aux ailes brisées, en témoignent.

Nous reprenons la route, et cette fois c’est Léo et moi qui guidons. Notre carte maps.me nous indique une plage où nous devrions pouvoir observer des phoques : direction Ytri Tunga !

Arrivés là-bas, nous partons tous les neuf à la recherche de l’animal. Pas besoin de chercher très longtemps, les phoques sont là, paresseux à se prélasser sur les rochers. Quel bonheur de pouvoir les approcher de si près dans leur milieu naturel.
Islande péninsule de Snaefellsness
Photo : Carolyn Whipple
C’est sur la pointe des pieds que nous reprenons la route sans les déranger plus.

Nous emmenons notre groupe de voyageurs vers une source d’eau chaude que nous avons aussi repérée grâce à maps.me : Landbrotalaug.

Elle est composée de deux bassins : une grande pataugeoire où nous pouvons nous allonger en groupe, et une sorte de puits étroit où nous ne pouvons rentrer qu’à deux.

Nous passons un moment dans la grande pataugeoire à nous amuser avec nos nouveaux amis. Ceux-ci reprennent rapidement la route. Ils dormiront à Reykjavik ce soir. Nous les saluons chaleureusement et promettons de passer leur rendre visite à New York. Nous resterons ici pour la nuit.

Nous montons la tente pour la dernière fois – non sans émotion – à côté de ces sources d’eau chaude. Un mouton nous observe faire la manœuvre que nous maîtrisons maintenant à la perfection. Une soupe chaude et nous nous préparons pour un bain nocturne dans le puits.

Dans ma hâte de rentrer dans l’eau chaude, j’ai d’ailleurs bien faillit finir ce voyage par un bel accident. Entre précipitation et maladresse, ma tête est passée à un cheveu de s’éclater contre le bord de pierre alors que je rentrais dans le bain profond comme si je descendais une petite marche…

Bref, après cette entrée en douceur, je peux profiter du moment. Terminer ce voyage dans une source d’eau chaude, en tête à tête avec Léo, est juste parfait. Devant nous, le soleil décline. Il ne fera pas nuit noire mais quand même assez sombre. Au-dessus de nous, d’épais nuages nous séparent du ciel.

Dernier jour et nous rêvons déjà de revenir. Nous reviendrons en hiver observer les aurores boréales. Nous reviendrons nous perdre plus en profondeur dans les fjords. Nous reviendrons.

« Léo ? Je ne voudrais pas avoir l’air de m’emballer mais… Il me semble que c’est une aurore boréale là. » Je pointe du doigt un bout du ciel qui apparaît dans une trouée de nuages. À côté, le soleil se couche encore. Nous sommes au moins d’août. Mais oui, ce fin nuage n’est pas sujet au vent comme les autres. Et puis, il me semble un peu vert, non ? Nous observons attentivement cette très légère diagonale de couleur, cette virgule verte au-dessus de notre bain… C’est donc ça ? Oh ! Les lumières se mettent à danser. Le vert s’intensifie. C’est incroyable comme c’est vert maintenant. La lumière flotte, la lumière danse, la lumière vole. Et nous restons là, oubliant presque de respirer.

Je récapitule donc en pensée pour m’imprégner du réel de la situation : je suis seule dans une source d’eau chaude avec Léo en Islande. Au-dessus de nous, notre première aurore boréal danse doucement. Mais quelle chance nous avons ! Je n’en reviens toujours pas. Quelle chance inouïe de pouvoir observer une aurore boréale un mois d’août. Quelle chance de terminer le voyage ainsi. Alors, bien sûr, elle est légère. Mais quelle est belle. Que l’Islande est belle. Que la nature est belle. Que ce voyage fut incroyable !

Le lendemain matin, nous retendons le pouce pour la dernière fois sur le bord de la route islandaise. Immédiatement, une voiture s’arrête. C’est un pêcheur islandais qui rentre à Reykjavik. La boucle est bouclée. Notre voyage débutait à Reykjavik dans la voiture d’un pêcheur islandais.

Cette nuit, nous nous envolerons pour Bruxelles. Demain, le retour à la réalité se fera brutalement avec le vol de mon sac où il y avait mon appareil photo et toutes les photos du voyage.

Je t’embrasse.

Léa 

Photo d’en-tête : Greenzowie

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Cet article a 4 commentaires

  1. Gargantua

    Je reprendrai bien du rab

  2. Moietmeszeles

    Oh des phoques! Quelle super et jolie rencontre vous avez fait la! Tes photographies sont magnifiques comme toujours!
    Merci pour le partage

    1. Léa

      Oh oui, c’était une superbe expérience que de les voir de si près ! 🙂

      Merci mais les photos ne sont pas de moi comme les miennes ont été volées avec mon appareil à notre retour.

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