Léo,
Il y a deux ans aujourd’hui, je t’écrivais une première lettre. C’était une lettre d’adieu déguisée en lettre d’au-revoir.
Le destin s’était appliqué à m’offrir le plus beau des souvenirs de voyage. Une carte d’identité perdue sur une île, un avion raté, un compte en banque vide et un voyageur grec qui a voulu me réconforter. « Viens donc manger avec nous ce soir ! En plus, c’est drôle, il y a un Français qui s’appelle Léo. Vous n’aurez qu’à aller chercher du vin ensemble ! » Voilà comment notre histoire a commencé avec du mauvais vin.
Une semaine. C’est le temps que nous avions devant nous.
Pour la faire durer, nous n’avons pas dormi. Nous nous sommes accrochés à chaque minute ensemble. Nous avons passé toutes nos nuits dehors. Allongés sur des rochers à guetter le soleil se lever sur l’acropole d’Athènes. Emmitouflés tous les deux dans la même veste. À retarder le moment d’aller pisser. Faire durer encore et encore. Retenir chaque instant.
Une semaine, c’est court. Une semaine ce n’est rien.
Commencer une relation en connaissant la date de fin, c’est particulier quand même. Chaque début, chaque première fois a déjà le goût du manque. Et tout est rendu plus intense, venant narguer ma prudente conscience « T’attache pas trop quand même, il habite de l’autre côté de l’océan. ».
Et puis il a bien fallu rentrer. Quitter Athènes fut difficile. J’essayais d’imprimer ton visage. Je voulais tout retenir. Pouvoir me replonger dans ces souvenirs dès que la nostalgie se ferait sentir.
Ton voyage continuait à travers les Balkans. Tu m’as dit que tu me rendrais visite avant de t’envoler pour la Guadeloupe. Alors je t’ai écrit une lettre d’au-revoir.
Et puis tu es venu. Plus tôt que je ne le pensais. Je suis allée te chercher à l’aéroport, intimidée par les retrouvailles. Je t’ai ramené chez moi, mal assurée, sur ma moto qui portait pour la première fois un passager chargé.
Que c’était bon de te retrouver. Que c’était bon de t’intégrer dans mon quotidien.
Faire durer.
Je te propose d’aller jusqu’à Copenhague en stop. Tu acceptes sans même une seconde d’hésitation. Voilà donc quelques semaines ensemble de gagner.
C’est drôle quand j’y pense, avant de te connaître, j’étais avec quelqu’un qui m’avait dit « Si tu fais du stop, je te quitte. ». Et j’ai fait du stop, bien sûr.
Après ce voyage jusqu’au Danemark, tu es resté encore. Tu as tout de suite aimé Lyon.
J’ai eu ce goût d’urgence encore longtemps tandis que tu reportais à chaque fois ta date de retour. Mais tu étais de plus en plus intégré dans mon quotidien. Ton absence ferait trop de vide.
Un jour d’automne, alors que nous nous promenions dans les vignes rougies près de chez ma mère, tu reçois un appel de la tienne. Tu venais de rater ton avion. Tu avais confondu la date du vol avec celle jusqu’à laquelle tu pouvais changer ton billet, une énième fois. J’ai voulu prendre un air désolé mais je crois que tu n’y as pas cru un instant. Tu restais.
Suède, Malte, Slovénie, Autriche, Suisse, Portugal, Espagne, Belgique, Islande, Tanzanie, Maroc, Italie, Hongrie, Allemagne, République Tchèque, Pologne, Lettonie, Lituanie, Estonie, Russie, Mongolie et Chine. Notre histoire était née et a grandi sur la route. C’est sur la route que je nous sens en communion. Voyager à tes côtés est comme une évidence. Et c’est sur la route qu’elle se poursuivra.
Il y a quelques temps, tu as dit oui à l’idée la plus folle que je t’ai soumise. « On quitte tout et on devient nomades. » Ok. Le projet est lancé. La date de départ est fixée. L’histoire se poursuivra sur la route et sans date de retour.
J’ai tellement hâte que nous écrivions ces lignes ensemble. Je suis confiante, c’est une belle aventure qui nous attend. Avec toi, l’inconnu ne m’effraie pas. Je sais que nous aurons des moments difficiles. Je sais que nous aurons des doutes. Mais je te promets d’être là, de te soutenir. Comme je sais que tu le feras aussi. Ensemble, nous avons un monde d’inconnus à apprendre à connaître.
Je t’embrasse.
Je t’aime.
Léa
***
Léa,
Lire tes lignes me remplit une fois de plus d’allégresse.
Qu’y apprends-je ? Deux ans se seraient écoulés ? Nous avons parcouru ensemble l’Europe, traversé les mers et exploré les confins de l’orient… Pourtant, j’aurais pu jurer que cette rencontre remontait à quelques mois à peine ; que nous étions encore hier à Athènes. Nous avons vécu mille aventures, l’une n’a cessé de chasser la précédente.
Combien de temps encore ? Étirer notre aventure à l’infini ? La liberté, la découverte, le mouvement… C’est cela qui m’a tout de suite plu dans notre relation. Y renoncer ? Sûrement pas !
Alors, ce voyage sans retour, quel pied ! Comment aurais-je pu y résister ? Mais tu le savais, n’est-ce pas ?
Partir n’est qu’un détail. Le voyage également. Comment – quelle importance ? Jusqu’où – qui sait ? Seul le chemin que nous parcourrons ensemble compte. Puissions-nous ne jamais nous arrêter. Faire de l’ailleurs, le terrain de jeu de notre histoire.
Nous serons bientôt à nouveau réunis sur la route ; m’écriras-tu ?
Je t’aime, je t’aime, je t’aime.
Léo
***
Ces lettres ont été écrites pour le recueil de textes courts « L’amour en voyage » par Céline, de voyages d’une plume. Elle accompagne d’autres belles histoires que je t’encourage à lire ! « Ce recueil collaboratif gratuit recèle de mariages, de rencontres, d’amour, de séparations et de promesses. Du Japon au Sénégal en passant par la Grèce, le Chili et la Nouvelle-Zélande, les cœurs pleurent, aiment et dessinent les chemins de ces aventures pas comme les autres. »
Cet article a 8 commentaires
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C’est beau l’amour des routes, l’amour au naturel. On adore vous suivre dans votre quotidien qui trotte.
Depuis le début, depuis la toute première lettre. Alors on vous suivra pour les suivantes !
Merci Corinne ! Il devrait y en avoir de nombreuses suivantes ! 😀
Rho là là je trouve vos lettres trop mignonnes. Du coup, j’ai téléchargé l’e-book qui a l’air très prometteur.
J’ai hâte de suivre vos prochaines aventures ! 🙂
Merci Vanessa ! 😀 Oui et les autres histoires dans l’e-book de Céline sont juste superbes tu verras ! 🙂
Comme c’est beau, encore une fois. Votre histoire, votre force, votre courage fait rêver. Je vous souhaite tout le bonheur que vous méritez, vous êtes si beaux !
Merci encore beaucoup Julie ! 🙂
Pfff moi ça me retourne comme une crêpe à chaque fois et je pleure plus que devant Sissi l’Impératrice !