Cher Jésus,
Je suis allée rencontrer ceux qui croient en toi. Je suis allée chanter avec eux, leur tenir la main, les serrer dans mes bras… Moi qui suis habituellement si peu à l’aise dans les Églises, j’ai assisté à deux messes en quelques jours à peine. Ne t’emballe pas pour autant. Bien que je ne remette pas en question ton existence – je suis sûre que tu étais un chic type – je n’arrive pas à croire en toutes les histoires surnaturelles qui se racontent à ton sujet.
Mais là n’est pas la question. Je suis donc allée assister à des messes. Je te l’écris en toutes lettres, ça m’aide aussi à rendre la chose bien réelle… Je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre, mais si j’avais imaginé quelque chose, ça aurait été sans aucun doute très différent.
Dimanche matin, je suis allée à l’office de 9h30 à la first corinthian baptist church, à Harlem. C’était un one man show. Le pasteur, à l’aise dans ses baskets, a fait rire aux éclats une foule de fidèles en délire, en se moquant de l’Église. Oui, oui, tu as bien lu ; en se moquant de l’Église… dans une Église… pendant une messe… A suivi l’interview d’une business woman importante – dont j’ai mangé le nom bien sûr – qui est venue témoigner de son parcours en tant que femme noire dans le milieu de la banque. L’échange a donné le ton à tout le sermon qui, pour résumer, nous expliquait que rien n’était impossible (c’était sûrement des baskets Nike) et qu’il ne fallait pas écouter ceux qui disaient l’inverse.
Je suis retournée à la messe le mardi suivant dans la Times square church. Cette fois, pas de pasteur charismatique, mais un chœur de gospel superbe. Grâce à l’écran où étaient inscrites les paroles, j’ai pu chanter des chansons à ta gloire et en celle de notre liberté.
Mais, au-delà des discours pleins de bons sentiments et des chansons entraînantes, j’ai été particulièrement émue de partager ce moment avec les fidèles. Si seulement tu voyais toutes ces personnes rassemblées pour toi… il est difficile de faire foule plus hétéroclite. Jeunes et vieux, pauvres et riches, ils ont en commun leur foi en toi.
Je me souviens de cette belle jeune fille à la crinière de lion, tout devant. On ne voyait qu’elle. Elle priait les mains tendues vers le plafond doré, avec la grâce d’une danseuse. Je me souviens, juste devant moi, de cette adolescente, venue seule à la messe ; à côté d’elle, son sac à dos Van’s auquel pendant un pingouin en peluche. Je me souviens de ce vieux monsieur qui fermait les yeux si fort quand il priait, que ceux-ci s’enfonçaient dans une mer de plis profonds. Je me souviens de cette jeune new-yorkaise branchée, sortant tout juste du boulot, qui, quand elle priait, pleurait à chaudes larmes. Je me souviens de cette mamie à côté qui avait mis ses plus beaux bijoux pour venir. Elle s’est gentiment moquée de moi lorsque j’ai mangé l’hostie au mauvais moment. Oups. À la fin, elle nous a pris dans ses bras avec Marine, nous disant de revenir. J’aimerais pouvoir.
C’est impressionnant, tu sais, de voir tous ces gens prier. Ils prient à voix haute. Ils crient presque. Et l’Église devient un amas étourdissant de mots indistincts. Chacun est lourdement chargé d’espoir. Il a été sûrement répété des dizaines de fois et il est encore dit avec tant de force.
C’est impressionnant, tu sais, de voir ces personnes désirer à tel point quelque chose, que le fait de le prononcer à voix haute inonde leur visage concentré.
Pendant qu’ils priaient, je les tenais par la main, n’osant pas vraiment les observer. J’ai eu envie de les prendre dans mes bras, de les consoler, de les aimer.
Pendant deux heures, avec eux, j’ai chanté, j’ai dansé, j’ai crié, j’ai sauté, j’ai pleuré, j’ai ri, j’ai aimé, j’ai embrassé… Je suis ressortie emplie d’une belle énergie. Ces Églises ne sont qu’un concentré d’amour. J’ai compris pourquoi leurs bancs sont toujours pleins. Je reviendrai, à mon prochain passage à New York.
J’ai énormément de mal à concevoir que c’est au nom de cette même religion, en ton nom ou en ceux de tes collègues, qu’ont eu lieu tant de massacres. Je ne comprends pas comment ces mêmes discours font naître tant d’amour ici et tant de haine et d’intolérance ailleurs. Il est difficile d’oublier tous ces travers et je suis heureuse d’avoir vécu de si belles expériences liées à cette religion dont je me méfie tant.
Je te quitte sur une note positive.
Je t’embrasse.
Léa
Cet article a 2 commentaires
T’as pas honte, de tirer des larmes d’émotion à ta Tatie ? J’adore ce que tu dis et la façon dont tu le dis, bravo et gros gros bisous
Merci beaucoup Cécile ! (: Bisous bisous.